…rejoint ici la longue cohorte des ecrabouillés, des amalgamés au bitume, des réduits à 2 dimensions : crapauds en rut, serpents et orvets se réchauffant à la route, chiens, chats et renards en maraude, martres et hulottes, lapins, souris, hérissons, oiseaux de toutes espèces, dont les tripes sanglantes, les poils et les plumes arrachées marquent le goudron par places. Est-ce ma condition de cycliste qui m'amène à cette compassion pour ces sinistrés-là du trafic auto, car si pour eux on ne s'écarte carrément jamais, pour le cycliste on ne s'écarte pas toujours et souvent même, argument suprême : «on ne l'a pas vu»,
c’est à dire qu'on a pas voulu voir, pas plus que le mulot effaré, le flâneur à vélo, «segment de rien, une incarnation du zéro sur le gris de l'asphalte et qu'au cœur de ce rien se tient mon anéantissement probable, tout cela rend, à chaque sortie, l'irruption de la mort possible.[…] Parce qu'aujourd'hui, ce qui compte pour beaucoup, c'est la hâte, compulsive, pour rien, la vitesse pour se remplir et combler le vide.»
Agnès Dargent, "Echappée", chez Cheyne éditeur, 2000
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