jeudi 28 août 2008

Signalétique des sentiers de Haute-Loire

En ce jour d'été finissant, je souhaite rendre hommage à l'effort de signalétique opéré à l'entrée des chemins par nos amis touristes et/ou randonneur(se)s impénitents ou non. Il est en effet à peu près impossible de se promener désormais en Haute-Loire – et ailleurs, j'imagine :-( – sans rencontrer ces petits signes de cellulose froissée et parfois marquée de brun qui indiquent à coup sûr le bon chemin, traces que des Petits Poucets quelque peu incontinents ont laissé de ci de là. Mais à la différence des cailloux de Poucet, qui comptait bien revenir sur ses pas, ils semblent au contraire signifier qu'on ne reviendra jamais là, que la chose — le paysage, la promenade, l'espace du chemin — a été consommé, digéré et déféqué, qu'on est passé depuis à un autre espace de consommation et que ce qui peut désormais advenir du pays, de ses promeneurs habituels et futurs n'a plus aucune importance, aucune signification. C'est du moins ainsi que je le ressens, même si je sais bien courte la vie biologique de ce petit bout de papier blanc ou rose, mais il prend à ces endroits la force d'un crachat.

À l'automobiliste qui s'arrête précipitamment au bord de ce chemin, qui par sa quiétude même lui a semblé destiné à servir de wc public, alors qu'il est la route que suivent nos pas vers plus de liberté et d'espace, plus de territoire imaginaire, plus de géographie et plus d'amitié; à la randonneuse qui pense que l'hygiène élémentaire lui impose de s'essuyer sitôt après et de déposer cette étrange obole bien en vue sous les yeux de tous ceux qui sont pourtant venus là pour voir bien autre chose, à ceux qui signalisent ainsi les plus beaux sites du Haut-Allier comme les plus modestes (petits bois de pins, sentiers de bords de rivières, chapelles romanes érigées en plein ciel) prouvant par là qu'ils ont bien su résister au syndrome de Stendhal*, à tous ceux-là, je voudrais dire que si le papier toilette, après tant de siècles d'essuiements sommaires, si ce papier-là leur est devenu à ce point indispensable, qu'ils ont sûrement dans leur sac ou dans leur voiture un sachet de plastique dans lequel le glisser, avant de le déposer dans un lieu qui serait, lui, une vraie poubelle et nous laisser un peu rêver, un peu en dialogue avec la beauté, un peu en alliance avec notre géographie, sans ce rappel permanent de ce qu'il y a de plus ordinaire dans l'humanité et somme toute, de plus merdique.

*Le syndrome de Stendhal est une maladie psychosomatique qui provoque des accélérations du rythme cardiaque, des vertiges, des suffocations voire des hallucinations chez certains individus exposés à une surcharge d'œuvres d'art. Cette perturbation est assez rare et touche principalement des personnes trop sensibles. Ce syndrome fait partie de ce qu'on peut appeler les troubles du voyage ou syndromes du voyageur. Ce syndrome est appelé ainsi à la suite de l'écrivain français Stendhal qui a vécu une expérience similaire lors de son voyage en Italie, à l'étape de Florence. Il écrit alors : « J'étais arrivé à ce point d'émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j'avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »Stendhal n'a rien fait pour s'en prémunir puisque s'asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion.

vendredi 1 août 2008

Visages

Deux photographies extraites du livre «instants de Haute-Loire» de Jean-Paul Galland.
Et ce texte de Pierre Jourde dans «Pays perdu» : «On n'échappe pas comme ça à la tante Léontine. […] Elle appartient comme Joseph, comme l'arrière-grand-père, à l'une des deux peuplades, celle des Mongols : le visage large et rond, aux pommettes et aux arcades sourcilières marquées, les yeux bridés. Dans la robe blanche qui peine à faire le tour de sa carrure puissante, la couronne des épousées sur le crâne, elle figurerait aussi bien, avec le même naturel, sur la photographie d'un mariage à Oulan-Bator dans les années 40. D'ailleurs il suffit de grimper sur un kilomètre la butte qui commence derrière sa maison, et la steppe se déploie. Il n'y a plus que les ondulations de l'herbe et des troupeaux.
Le petit homme, à côté d'elle sur la photographie, a disparu depuis longtemps […] Son visage sec, sans largeur, au grand nez osseux, décelait l'autre espèce, celle des sarrasins, avec leurs yeux charbonneux et leur peau mate.»

Ici dans la vallée, plutôt des celtes, l'œil bleu…

La digitale et son bourdon