mercredi 7 novembre 2007

une balade derrière chez moi, du bourg de Chanteuges à la Bretagnole


C'est une promenade qui part juste derrière la maison. Le voyage de 1000 lieues commence par un pas, dit le Tao-to-king. Ce premier pas commence là, au tournant de la calade, celle dans laquelle poussent les figuiers de Barbarie et où se pressent les hirondelles de rocher, celle de toutes les calades du village qui sait le mieux garder la chaleur du jour et la rendre au soir, vers les 6 heures en automne, alors que le soleil est passé derrière la colline et qu'on sent sur les pierres tièdes encore l'haleine de la journée écoulée. La falaise comme un grand calorifère restitue ce qui fut ; si les pierres ont cette mémoire, que ne peuvent-elles conserver en elles? (au moins tout le savoir des épierreurs… voir auprès d'Émile Duchemin si il ne s'agit pas là d'une de leurs bibliothèques).
Il faut marcher jusqu'à la gare — enfin, l'ancienne gare, le train ne s'arrêtant plus à Chanteuges depuis 1978 – passer la voie, tourner à gauche, s'engager dans le chemin qui monte de plus en plus rudement, dans les pierres éboulées que les motos vrombissantes et rageuses bouleversent chaque fois un peu plus. Mais ce jour-là on sera seul dans l'ombre du sous-bois, un chien aboiera au loin, un geai surpris s'envolera en jetant son cri de gond rouillé. En bas, l'eau ruisselle sur la pierre, au dégel c'est presque un ruisseau, mais plus haut c'est le bois de pin, le granit sec, la myrtille et peut-être quelques ceps, à découvrir avec patience comme un trésor.
La route à présent. Elle va jusqu'à Chirac et la vue sur la vallée de la Desges y est toujours vaste et belle et le vent vif. Il y aura bien là en octobre sur ses bords quelques noix tombées à ramasser, à serrer dans sa poche pour les déguster un peu plus tard. Passées les quelques maisons de Chirac, le chemin remonte à droite et grimpe au Pic de Crouzat : toujours de beau pins sylvestres et les terres labourées de Franck et Sylvie. Puis de petits bois de chênes, ombreux, pentus. Là sous la feuille, peut-être la girolle, le pied-de-mouton, entre deux mousses, dans le clair d'un rai de soleil.
Ensuite on pourrait continuer tout droit, longer la vallée, remonter sur l'échine de la Margeride, franchir avec elle tout l'espace jusqu'aux Cévennes, descendre au bord de la Méditerrannée, puis de là l’Afrique, le tour du monde!
Mais pour l'heure, on prend ce chemin à droite, on s'emploie à tracer cette simple boucle, cette promenade d'une après-midi. Les premières maisons de Bretagnolle sont déjà là. Peut-être Marie-Thérèse nous offrira-t'elle un verre de son vin de pays, aigrelet, fruité, couleur de prune noire. Le vin nous rendra bavards, dans la petite cuisine, entre les photos en couleur des neveux de Langeac et les photos sépia des anciennes fenaisons, qui montrent la jeune femme en robe claire qu'elle était alors et les bœufs qui tiraient la charrette. Temps révolus et pourtant si proches, une ou deux générations de femmes à peine, le temps de quelques rides, d'une démarche un peu moins sûre, de gestes un peu plus précautionneux. Reprenant le chemin, l'air frais d'octobre nous dégrisera. Et soudain, levant la tête, nous verrons passer une troupe de grues, bien en éventail comme des cyclistes dans le vent, cap au sud, leur long corps impeccablement tendu, leurs ailes battant puissamment l'air. Elles vont en Afrique. La Montagne écrit aujourd'hui qu'elles ont un gps dans la tête. Elles ont sans doute un peu plus que ça et quand elles passent, c'est la beauté même.
Le retour, la vue sur la plaine de Langeac, puis Chanteuges accrochée à son rocher de basalte et cet ultime coup de rein, contraction de cuisse et de mollet qui nous hisse par les pierres inégales jusqu’à la Vialle.

1 commentaire: