vendredi 6 janvier 2023

Saint-Georges d’Aurac-Gare, l’exact milieu de nulle part

En 1863, la PLM jeta son dévolu sur cette contrée marécageuse au milieu de nulle part, partie la moins propre aux cultures du domaine de Chassagnon. Là elle bâtit cette cité cheminote avec sa gare, kilomètre zéro de la ligne vers Saint-Étienne et passage de la ligne des Cévennes avant Langeac. Un nœud ferroviaire, donc. Composé, outre la gare, d’un immeuble d’appartements, d’un hôtel-restaurant et de quelques commerces, dont seul subsiste le Bar Des Sports, refuge de convivialité rurale. Un de ces lieux où les rapports humains semblent régis par des codes plus simples qu’ailleurs. Tout autour quelques maisons. Avec des habitants qui aiment ce lieu parce qu’il est au milieu de nulle part, parce que le train qui y amène un jour peut aussi bien vous ramener. La gare offre la rêverie des départs : pour autant les choses s’y tiennent dans l’ordonnancement SNCF, une façon de ranger les meubles, de mettre tout le monde à son poste. Paradoxalement un temple du mouvement. Dans ce temple, l’inattendu surgit : une enfant qui gardait les bêtes quitte d’un coup le pré où elles paissent pour courir à la gare quand se vend la Presse. C'est bien plus intéressant que les bovins placides qui se gardent presque tout seuls. Cette gare c’est sa gare, elle s’étonne que si peu de gens possèdent des gares aussi bien qu’elle possède celle-là ; c’est un univers d’importance. Elle sait qu’un jour, grâce à la gare, elle pourra partir, peut-être même dès les vacances prochaines.
Une dame sur le quai vendait du café par les fenêtres de l’autorail mais ne rendait pas la monnaie à temps, laissant le train démarrer avec à l’intérieur des voyageurs arnaqués et impuissants. Rumeur ferroviaire ? la vendeuse indélicate est-t’elle l’Incarnation d’un démon ancien, d’un péché capital, même si son escroquerie restait mineure. Aujourd’hui la minuscule bourgade sommeille au cœur de ses prairies à vaches, réveillée par l’arrivée de quelques trains et des parties de pétanque à côté des mobs anciennes de Patrick. C’est ici que je viens parfois attendre, à son arrivée de Paris, mon amie Sylvie.